Page:Marx - L’Allemagne en 1848.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même pas attention, et aux ministres qui étaient ouvertement passés du côté de l’ennemi. Lorsqu’enfin Wilhelm Wolff, représentant de Striegau, l’un des éditeurs de la Neue rheinische Zeitung, le seul véritable révolutionnaire de toute l’Assemblée, leur dit que, si vraiment, ils pensaient ce qu’ils disaient, ils feraient mieux de mettre fin aux bavardages et de déclarer aussitôt hors la loi le Lieutenant de l’Empire, traître suprême du pays. Alors toute la vertueuse indignation, comprimée chez messieurs les parlementaires, éclata avec une énergie qu’ils n’avaient jamais su trouver lorsque le Gouvernement les accablait d’insultes.

La proposition de Wolff était la première parole sensée qui eût été prononcée dans les murs de l’église Saint-Paul, et naturellement, comme c’était la seule chose qu’il y avait à faire, comme un langage aussi clair allait droit au but, il ne pouvait être que blessant pour ces sentimentaux, qui n’étaient décidés à rien, sauf à l’indécision, qui, trop peureux pour agir, étaient arrivés une fois pour toutes à cette conclusion, qu’en ne faisant rien, ils faisaient justement ce qu’il fallait faire. Toute parole qui perçait comme un éclair le brouillard prétentieux, mais voulu, de leurs esprits, chaque allusion qui tendait à les faire sortir du labyrinthe dans lequel ils s’obstinaient à rester le plus longtemps possible, chaque conception claire de l’état réel des choses était naturellement un crime contre la majorité de cette souveraine Assemblée.