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Page:Marx - L’Allemagne en 1848.djvu/23

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puissance des non-nobles. Si la France a pu victorieusement conserver ses manufactures de soie à travers cinquante ans de révolutions et de guerres, l’Allemagne, pendant le même temps, n’a fait que perdre son ancienne industrie de la toile. De plus, ses districts manufacturiers étaient peu nombreux et éloignés les uns des autres ; ils étaient situés loin dans l’intérieur du pays. Utilisant en outre, pour la plupart, pour leur importation et leur exportation, des ports étrangers, hollandais ou belges, ils n’avaient que peu ou pas d’intérêts communs avec les grandes villes, les ports de la mer du Nord et de la Baltique ; ils étaient surtout incapables de créer de grands centres manufacturiers et commerciaux, tels que Paris et Lyon, Londres et Manchester. Les causes de ce retard des manufactures allemandes sont nombreuses ; mais il suffira d’en mentionner deux : la situation géographique défavorable du pays, éloigné de l’Atlantique devenu la grande route du commerce universel, et les guerres continuelles dans lesquelles l’Allemagne était entraînée et qui, depuis le xvie siècle jusqu’à nos jours, avaient son sol pour théâtre. C’est ce manque de masses et particulièrement de masses en quelque sorte concentrées qui a empêché les classes moyennes allemandes d’atteindre à la suprématie politique dont la bourgeoisie anglaise jouissait en 1688, et que la bourgeoisie française a conquise en 1789. Et cependant, depuis 1815, la richesse, et avec