Page:Marx - L’Allemagne en 1848.djvu/26

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rement, faute de concurrents plus riches. Cette classe, la plus importante dans tout état politique et dans toutes les révolutions modernes, est encore plus importante en Allemagne où elle a généralement joué, dans les luttes récentes, un rôle décisif. C’est sa position intermédiaire entre la classe des gros capitalistes, commerçants et manufacturiers, — la bourgeoisie proprement dite, — et la classe prolétarienne ou industrielle, qui détermine son caractère. Aspirant à entrer dans la première, les individus de cette classe se trouvent, à la moindre adversité, rejetés dans les rangs de la seconde. Dans les pays monarchiques ou féodaux, la clientèle de la cour et de l’aristocratie devient nécessaire à leur existence, et la perte de cette clientèle peut en ruiner un grand nombre. Dans les villes plus petites, une garnison militaire, un gouvernement de province, un tribunal avec tout son personnel forment souvent la base de sa prospérité ; enlevez-les, et les boutiquiers, les tailleurs, les cordonniers, les menuisiers sont ruinés. Ainsi ballottés éternellement entre l’espoir d’entrer dans les rangs de la classe la plus riche et la crainte d’être réduits à l’état de prolétaires ou même d’indigents, entre l’espoir de pouvoir servir leurs intérêts en conquérant une part dans la direction des affaires publiques, et la crainte d’exciter, par une opposition intempestive, la colère du Gouvernement qui dispose de leur existence même puisqu’il peut leur