Page:Marx - L’Allemagne en 1848.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissance de l’État ; mais à quoi devait ressembler cette unité allemande, une fois qu’on l’aurait réalisée, c’était une question sur laquelle les partis étaient divisés. La bourgeoisie, qui ne voulait pas de secousses révolutionnaires sérieuses, se serait contentée de ce qui, comme nous l’avons vu, était considéré par elle comme « réalisable », c’est-à-dire de l’union de toute l’Allemagne à l’exclusion de l’Autriche, sous la suprématie du Gouvernement constitutionnel de la Prusse, et il est certain qu’à cette époque on ne pouvait guère faire davantage sans déchaîner un orage dangereux. Les boutiquiers et les paysans, dans la mesure où ces derniers se préoccupaient de telles questions, ne sont jamais arrivés à donner une définition quelconque à cette unité allemande qu’ils réclamaient à si grands cris ; un petit nombre de rêveurs, principalement de féodaux réactionnaires, espéraient le rétablissement de l’Empire germanique ; quelques ignorants, de soi-disant radicaux, qui admiraient les institutions suisses dont ils n’avaient pas encore fait l’expérience pratique qui devait, dans la suite, les détromper d’une façon si ridicule, se prononçaient pour une république fédérative ; seul le parti le plus extrême osait, à cette époque, demander la république allemande, une et indivisible. Ainsi l’unité allemande était elle-même une question susceptible d’amener la désunion, la discorde, et même, dans certaines éventualités, la guerre civile.