Page:Marx - L’Allemagne en 1848.djvu/95

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imaginaires dont personne ne se préoccupait. En Autriche et en Prusse, au contraire, les corps constituants étaient au moins des parlements réels, renversant et créant des ministères réels, et imposant, au moins pour quelque temps, leurs résolutions aux princes contre lesquels ils avaient à lutter. Eux aussi étaient lâches et manquaient d’une large conception de l’action révolutionnaire ; eux aussi ont trompé le peuple et remis le pouvoir au despotisme féodal, bureaucratique et militaire. Mais au moins ils étaient obligés de discuter des questions pratiques ayant un intérêt immédiat, et de vivre sur terre avec les hommes, tandis que les blagueurs de Francfort n’étaient jamais aussi heureux que lorsqu’ils pouvaient errer dans le royaume aérien du rêve. C’est pourquoi les actes des Constituantes de Berlin et de Vienne forment une partie importante de l’histoire révolutionnaire allemande, tandis que les élucubrations de la sottise collective de Francfort n’intéressent que les collectionneurs des curiosités littéraires et d’objets d’antiquités.

Le peuple allemand, qui sentait profondément la nécessité d’en finir avec la funeste division territoriale qui éparpillait et annihilait la force collective de la nation, s’attendait, pendant quelque temps, à voir l’Assemblée nationale de Francfort commencer au moins une ère nouvelle. Mais la conduite enfantine de cet ensemble de prétendus sages désillusionna bientôt l’enthousiasme natio-