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la lutte des classes en france

à main armée des masses populaires, devait-elle briser sa propre puissance dans la personne de Bonaparte et de ses ministres et détruire la signification de sa propre élection ? La Constituante n’avait-elle pas cherché de même à casser l’élection de Bonaparte, quand elle avait insisté avec tant d’entêtement pour le renvoi du ministère Barrot-Falloux ?

Il ne manquait pas d’exemples d’insurrections parlementaires remontant à l’époque de la Convention où le rapport de majorité à minorité avait été renversé de fond en comble ; et pourquoi la jeune Montagne n’aurait-elle pas réussi aussi bien que l’ancienne ? De plus le moment ne semblait pas défavorable à une pareille entreprise. L’agitation populaire revêtait à Paris un caractère sérieux. L’armée, autant que le faisaient prévoir ses votes, ne semblait pas bien disposée pour le gouvernement. La majorité législative était encore de date trop récente pour s’être consolidée. De plus elle était composée de vieux. Si une insurrection parlementaire réussissait à la Montagne, les rênes de l’État tombaient immédiatement entre ses mains. De son côté la petite bourgeoisie démocrate, comme toujours, ne demandait rien tant que de voir se décider le combat au-dessus de sa tête entre les esprits défunts du Parlement. Enfin la petite bourgeoisie démocrate et ses représentants de la Montagne atteignaient leur but principal par une insurrection parlementaire : on brisait la puissance