ils ne le faisaient pas uniquement parce que leurs idées royalistes persistaient. Leur instinct leur disait que la République peut bien rendre leur pouvoir politique plus parfait, mais qu’en même temps elle en mine les bases sociales. Elle oppose, en effet, les classes dominantes aux classes dominées, force les premières à combattre les secondes sans intermédiaire, sans le couvert de la couronne, sans que l’on puisse faire intervenir l’intérêt de la nation, faire naître les luttes secondaires qu’elles se livrent entre elles ou livrent à la royauté. C’était le sentiment de leur faiblesse qui les faisait reculer devant les conditions pures de leur propre domination de classe et regretter les formes moins complètes, moins développées et, précisément à cause de cela, plus dangereuses, de cette suprématie. Par contre, toutes les fois que les royalistes coalisés entrent en conflit avec le prétendant opposé, avec Bonaparte, qu’ils croient leur omnipotence parlementaire menacée par le pouvoir exécutif, qu’ils doivent exhiber le titre politique de leur pouvoir, ils se présentent comme républicains et non comme royalistes. Ils le font tous, de l’orléaniste Thiers prévenant l’Assemblée nationale que c’est la République qui les divise le moins, jusqu’au légitimiste Berryer qui, le 2 décembre 1851, ceint de son écharpe tricolore, harangue en tribun, au nom de la République, le peuple rassemblé, devant la mairie du Xe arrondissement. A la vérité l’écho moqueur lui répond : « Henri V ! Henri V ! »
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le xviii brumaire de louis bonaparte
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