qui dans ce rebut, ce déchet, cette écume de toutes les classes reconnaît la seule sur laquelle il puisse absolument s’appuyer, ce Bonaparte est le vrai Bonaparte, le Bonaparte « sans phrase ». Vieux roué, rusé, il prend la vie historique des peuples, leurs affaires d’État pour une comédie au sens le plus vulgaire du mot, une mascarade où les grands costumes, mots et postures ne servent qu’à masquer la plus mesquine des gueuseries. Lors de son entrée à Strasbourg, un vautour suisse apprivoisé représente l’aigle napoléonienne. À son escapade de Boulogne, il habille de l’uniforme français quelques laquais de Londres. Ils représentent l’armée. Dans sa société du 10 décembre, il rassemble 10.000 gueux qui doivent représenter le lion populaire. À un moment où la bourgeoisie jouait la comédie la plus complète, mais le plus sérieusement du monde, sans contrevenir à aucune des exigences les plus pédantesques de l’étiquette dramatique française, où elle était à demi aveuglée, à demi convaincue de la magnificence de ses propres hauts faits, de ses affaires d’État, dans ces circonstances, c’était l’aventurier qui devait l’emporter, lui qui prenait cette comédie tout simplement pour ce qu’elle était. C’est seulement quand il s’est débarrassé de son majestueux ennemi, quand il prend lui-même son rôle d’empereur au sérieux et pense qu’il lui suffit du masque napoléonien pour représenter vraiment Napoléon, qu’il devient la victime de sa façon particulière de
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le xviii brumaire de louis bonaparte
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