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le xviii brumaire de louis bonaparte
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moitié de son œuvre préparatoire, l’Europe se dressera debout et lui criera dans sa joie : « Bien creusé, vieille taupe ! »

Ce pouvoir exécutif avec son énorme organisation bureaucratique et militaire, avec son mécanisme compliqué et artificiel, cette armée de fonctionnaires nombreuse de plus d’un demi-million à côté d’une armée comptant un autre demi-million, cet effroyable parasite qui enveloppe comme d’un réseau le corps de la société française et en bouche tous les pores, naquit à l’époque de la monarchie absolue, au déclin de la féodalité qu’il aide à précipiter. Les privilèges seigneuriaux des grands propriétaires fonciers et des villes se transformèrent en un nombre égal d’attributs du pouvoir public, les dignitaires féodaux se changèrent en fonctionnaires salariés et la carte bigarrée des droits souverains, datant du moyen âge et contradictoires entre eux, devint le plan bien réglé d’une puissance publique dont le travail est divisé et centralisé comme celui de la fabrique. La première révolution française qui avait pour tâche de briser les pouvoirs indépendants, locaux, territoriaux, urbains et provinciaux pour créer l’unité bourgeoise de la nation devait parfaire ce qu’avait commencé la monarchie absolue : la centralisation. Mais il lui fallait en même temps accroître l’étendue, les attributions du pouvoir gouvernemental, multiplier ses serviteurs. Napoléon compléta ce mécanisme. La monarchie légitime et la monar-