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la lutte des classes en france

était passé où la République était d’humeur à s’incliner devant ses illusions. Seule la défaite put le persuader de la vérité : elle lui apprit que la plus mince amélioration de son sort dans la société bourgeoise reste une utopie, utopie qui se change en crime dès qu’on s’avise de la réaliser. Au lieu des revendications, excessives de forme, mesquines de contenu, bourgeoises encore, dont il voulait arracher la concession à la République de Février, s’éleva un cri de guerre audacieux, révolutionnaire : A bas la bourgeoisie ! Dictature de la classe ouvrière !

Le prolétariat, en faisant de son champ funéraire le berceau de sa République bourgeoise la força à revêtir sa forme pure. Elle fut l’État dont le but avoué est de perpétuer le règne du capital et l’esclavage du travail. La domination de la bourgeoisie devait se convertir aussitôt en un terrorisme bourgeois, frappant l’ennemi couvert de cicatrices, implacable, invincible, invincible parce que l’existence du prolétariat est la condition de l’existence de la bourgeoisie. Le prolétariat restait, pour le moment, à l’écart de la scène ; la dictature de la bourgeoisie était officiellement reconnue. Les couches moyennes de la société allaient se rallier de plus en plus autour du prolétariat à mesure que leur situation deviendrait plus insupportable et que s’aiguiserait leur antagonisme avec la bourgeoisie. Les petits bourgeois voyaient autrefois la cause de leur misère dans les succès des