Aller au contenu

Page:Marx - La Lutte des classes en France - Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, 1900.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
la lutte des classes en france

du mot Napoléon dans la bouche des différentes classes, chacun en inscrivant ce nom sur son bulletin voulait dire : « A bas le parti du National. à bas Cavaignac, à bas la Constituante, à bas la république bourgeoise ! » Le ministre Dufaure le déclara publiquement à l’Assemblée Constituante : « Le 10 décembre est un second 24 février. »

Bourgeoisie et prolétariat avaient voté « en bloc » pour Napoléon afin de se prononcer contre Cavaignac, afin d’arracher à la Constituante, par la comparaison des suffrages, quelque chose de décisif. Cependant la partie la plus avancée de chaque classe avait présenté ses candidats : Napoléon était le nom collectif de tous les partis coalisés contre la république bourgeoise ; Ledru-Rollin et Raspail étaient les noms propres, le premier de la petite bourgeoisie démocratique, le second du prolétariat révolutionnaire. Les suffrages exprimés en faveur de Raspail — les prolétaires et leurs interprètes socialistes le disaient bien haut — ne devaient constituer qu’une simple démonstration, être autant de protestations contre la présidence, c’est-à-dire contre la constitution elle-même, autant de votes se prononçant contre Ledru-Rollin. C’était donc le premier acte par lequel le prolétariat se détachait comme parti politique indépendant du parti démocratique. Ce dernier, au contraire, — la petite bourgeoisie démocratique et sa représentation parlementaire, la Montagne, — traitait la candidature de Ledru--