Le Dr Ure, le Pindare de la fabrique en donne deux définitions. Il la dépeint d’une part « comme une coopération de plusieurs classes d’ouvriers, adultes et non‑adultes, surveillant avec adresse et assiduité un système de mécaniques productives mises continuellement en action par une force centrale, le premier moteur ». Il la dépeint d’autre part comme « un vaste automate composé de nombreux organes mécaniques et intellectuels, qui opèrent de concert et sans interruption, pour produire un même objet, tous ces organes étant subordonnés à une puissance motrice qui se meut d’elle-même ». Ces deux définitions ne sont pas le moins du monde identiques. Dans l’une le travailleur collectif ou le corps de travail social apparaît comme le sujet dominant et l’automate mécanique comme son objet. Dans l’autre, c’est l’automate même qui est le sujet et les travailleurs sont tout simplement adjoints comme organes conscients à ses organes inconscients et avec eux subordonnés à la force motrice centrale. La première définition s’applique à tout emploi possible d’un système de mécaniques ; l’autre caractérise son emploi capitaliste et par conséquent la fabrique moderne. Aussi maître Ure se plaît‑il à représenter le moteur central, non seulement comme automate, mais encore comme autocrate. « Dans ces vastes ateliers, dit‑il, le pouvoir bienfaisant de la peur appelle autour de lui ses myriades de sujets, et assigne à chacun sa tâche obligée[1]. »
Avec l’outil, la virtuosité dans son maniement passe de l’ouvrier à la machine. Le fonctionnement des outils étant désormais émancipé des bornes personnelles de la force humaine, la base technique sur laquelle repose la division manufacturière du travail se trouve supprimée. La gradation hiérarchique d’ouvriers spécialisés qui la caractérise est remplacée dans la fabrique automatique par la tendance à égaliser ou à niveler les travaux incombant aux aides du machinisme[2]. À la place des différences artificiellement produites entre les ou-
- ↑ Ure, l. c. p. 19, 20, 26.
- ↑ L. c. p. 31. — Karl Marx, l. c. p. 140, 141.
progrès des fabriques proprement dites dans le Royaume-Uni depuis 1848 :
désignation | quantité exportée 1848 |
quantité exportée 1851 | ||
---|---|---|---|---|
fabrique de coton. | ||||
Coton filé | liv. | 135,831,162 | liv. | 143,966,106 |
Fil à coudre | yard (=0,914mét.) | l. | 4,392,176 | |
Tissus de coton | y. | 1,091,373,930 | y. | 1,543,161,789 |
fabrique de lin et de chanvre. | ||||
Filé | l. | 11,722,182 | l. | 18,841,326 |
Tissus | y. | 88,901,519 | y. | 129,106,753 |
fabrique de soie. | ||||
Filé de différentes sortes | l. | 466,825 | l. | 462,513 |
Tissus | y. | y. | 1,181,455 | |
fabrique de laine. | ||||
Laine filée | q. (quintal.) | l. | 14,670,880 | |
Tissus | y. | y. | 241,120,973 | |
désignation | valeur exportée 1848 |
valeur exportée 1851 | ||
liv. st. | liv. st. | |||
fabrique de coton. | ||||
Coton filé | 15,927,831 | 6,634,026 | ||
Tissus | 16,753,369 | 23,454,810 | ||
fabrique de lin et de chanvre. | ||||
Filé | 493,449 | 951,426 | ||
Tissus | 2,802,789 | 4,107,396 | ||
fabrique de soie. | ||||
Filés divers | 77,789 | 195,380 | ||
Tissus | 1,130,398 | |||
fabrique de laine. | ||||
Laine filée | 776,975 | 1,484,544 | ||
Tissus | 5,733,828 | 8,377,183 | ||
désignation | quantité exportée 1860 |
quantité exportée 1865 | ||
fabrique de coton. | ||||
Coton filé | l. | 197,343,655 | l. | 103,751,455 |
Fil à coudre | l. | 6,297,554 | l. | 4,648,611 |
Tissus de coton | y. | 2,776,218,427 | y. | 2,015,237,851 |
fabrique de lin et de chanvre. | ||||
Filé | l. | 31,210,612 | l. | 36,777,334 |
Tissus | y. | 143,996,773 | y. | 247,012,529 |
fabrique de soie. | ||||
Filé de différentes sortes | l. | 897,402 | l. | 812,589 |
Tissus | y. | 1,307,293 | y. | 2,869,837 |
fabrique de laine. | ||||
Laine filée | q. (quintal.) | 27,533,968 | l. | 31,669,267 |
Tissus | y. | 190,381,537 | y. | 278,837,438 |
désignation | valeur exportée 1860 |
valeur exportée 1865 | ||
liv. st. | liv. st. | |||
fabrique de coton. | ||||
Coton filé | 9,870,875 | 10,351,049 | ||
Tissus | 42,141,505 | 46,903,795 | ||
fabrique de lin et de chanvre. | ||||
Filé | 1,801,272 | 2,505,497 | ||
Tissus | 4,804,803 | 9,155,318 | ||
fabrique de soie. | ||||
Filés divers | 918,342 | 768,067 | ||
Tissus | 1,587,303 | 1,409,221 | ||
fabrique de laine. | ||||
Laine filée | 3,843,450 | 5,424,017 | ||
Tissus | 12,156,998 | 20,102,259 |
(Voy. les livres bleus : Statistical Abstract for the U. Kingd., n. 8 et n. 13. Lond., 1861 et 1866.)
Dans le Lancashire le nombre des fabriques s’est accru entre 1839 et 1850 seulement de 4%, entre 1850 et 1856 de 19%, entre 1856 et 1862 de 33%, tandis que dans les deux périodes de onze ans le nombre des personnes employées a grandi absolument et diminué relativement, c’est-à-dire comparé à la production et au nombre des machines. Comp. Rep. of Insp. of Fact. for 31 st. Oct. 1862, p. 63. Dans le Lancashire c’est la fabrique de coton qui prédomine. Pour se rendre compte de la place proportionnelle qu’elle occupe dans la fabrication des filés et des tissus en général, il suffit de savoir qu’elle comprend 45.2% de toutes les fabriques de ce genre en Angleterre, en Écosse et en Irlande, 81.4% de toutes les broches du Royaume-Uni, 83.3% de tous les métiers à vapeur, 72.6% de toute la force motrice et 52.8% du nombre total des personnes employées. (L. c., p. 62, 63.)