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à la limite minima de sa nouvelle valeur de deux francs, mais à 3 fr. 80, 3 fr. 40, 3 fr. 20, etc., ce prix décroissant représenterait cependant une masse supérieure de subsistances. Avec un accroissement continuel dans la productivité du travail, le prix de la force de travail pourrait ainsi tomber de plus en plus, en même temps que les subsistances à la disposition de l’ouvrier continueraient à augmenter. Mais, même dans ce cas, la baisse continuelle dans le prix de la force de travail, en amenant une hausse continuelle de la plus-value, élargirait l’abîme entre les conditions de vie du travailleur et du capitaliste[1].

Les trois lois que nous venons de développer ont été rigoureusement formulées, pour la première fois, par Ricardo ; mais il commet l’erreur de faire des conditions particulières dans lesquelles elles sont vraies, les conditions générales et exclusives de la production capitaliste. Pour lui, la journée de travail ne change jamais de grandeur ni le travail d’intensité, de sorte que la productivité du travail reste le seul facteur variable.

Ce n’est pas tout. À l’instar de tous les autres économistes, il n’est jamais parvenu à analyser la plus-value en général, indépendamment de ses formes particulières, profit, rente foncière, etc. Il confond le taux de la plus-value avec le taux du profit, et traite, par conséquent, celui-ci comme s’il exprimait directement le degré d’exploitation du travail. Nous avons déjà indiqué que le taux du profit est la proportion de la plus-value avec le total du capital avancé, tandis que le taux de la plus-value est la proportion de la plus-value avec la partie variable du capital avancé. Supposez qu’un capital de 500 l. st. (C) se décompose en matières premières, instruments, etc., d’une valeur de 400 l. st. (c), et en 100 l. st. payés aux ouvriers (v), qu’en outre la plus-value (p) est de cent livres sterling ; alors le taux de la plus-value, cent pour cent ; mais le taux du profit vingt pour cent. À part cette différence de grandeur, il est évident que le taux du profit peut être affecté par des circonstances tout à fait étrangères au taux de la plus-value. Je démontrerai plus tard, dans le troisième livre, que donné le taux de la plus-value, le taux du profit peut varier indéfiniment, et que donné le taux du profit, il peut correspondre aux taux de plus-value les plus divers.

II

Données : Durée et productivité du travail constantes. Intensité variable.

Si sa productivité augmente, le travail rend dans le même temps plus de produits, mais non plus de valeur. Si son intensité croît, il rend dans le même temps non seulement plus de produits, mais aussi plus de valeur, parce que l’excédent de produits provient alors d’un excédent de travail.

Sa durée et sa productivité étant données, le travail se réalise donc en d’autant plus de valeur que son degré d’intensité dépasse celui de la moyenne sociale. Comme la valeur produite durant une journée de douze heures, par exemple, cesse ainsi d’être constante et devient variable, il s’ensuit que plus-value et valeur de la force de travail peuvent varier dans le même sens, l’une à côté de l’autre, en proportion égale ou inégale. La même journée produit‑elle huit francs au lieu de six, alors la part de l’ouvrier et celle du capitaliste peuvent évidemment s’élever à la fois de trois francs à quatre.

Une pareille hausse dans le prix de la force de travail n’implique pas qu’elle est payée au‑dessus de sa valeur. La hausse de prix peut au contraire être accompagnée d’une baisse de valeur. Cela arrive toujours quand l’élévation du prix ne suffit pas pour compenser le surcroît d’usure de la force de travail. On sait que les seuls changements de productivité qui influent sur la valeur de la force ouvrière sont ceux qui affectent des industries dont les produits entrent dans la consommation ordinaire de l’ouvrier. Toute variation dans la grandeur, extensive ou intensive, du travail affecte au contraire la valeur de la force ouvrière, dès qu’elle en accélère l’usure.

Si le travail atteignait simultanément dans toutes les industries d’un pays le même degré supérieur d’intensité, cela deviendrait désormais le degré d’intensité ordinaire du travail national et cesserait d’entrer en ligne de compte. Cependant, même dans ce cas, les degrés de l’intensité moyenne du travail resteraient différents chez diverses nations et modifieraient ainsi la loi de la valeur dans son application internationale, la journée de travail plus intense d’une nation créant plus de valeur et s’exprimant en plus d’argent que la journée moins intense d’une autre[2].

III

Données : Productivité et intensité du travail constantes. Durée du travail variable.

Sous le rapport de la durée, le travail peut varier en deux sens, être raccourci ou prolongé. Nous obtenons dans nos données nouvelles les lois que voici :

1o La journée de travail se réalise, en raison directe de sa durée, en une valeur plus ou moins grande — variable donc et non constante.

2o Toute variation dans le rapport de grandeur entre la plus-value et la valeur de la force de travail provient d’un changement dans la grandeur absolue du surtravail, et, par conséquent, de la plus-value.

  1. « Quand une altération a lieu dans la productivité de l’industrie, et qu’une quantité donnée de travail et de capital fournit soit plus, soit moins de produits, la proportion des salaires peut sensiblement varier, tandis que la quantité que cette proportion représente reste la même, ou la quantité peut varier tandis que la proportion ne change pas. »(Outlines of Political Economy, etc., p. 67.)
  2. « À conditions égales, le manufacturier anglais peut dans un temps donné exécuter une bien plus grande somme de travail que le manufacturier étranger, au point de contrebalancer la différence des journées de travail, la semaine comptant ici soixante heures, mais ailleurs soixante-douze ou quatre-vingt. » (Reports of Insp. of Fact. for 31 st. oct. 1855, p. 65.)