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CHAPITRE PREMIER

Tout autre travail, quelle qu’en soit la forme naturelle, taille, ensemençage, extraction de fer ou d’or, etc., est maintenant affirmé égal au travail fixé dans la valeur de la toile qui manifeste ainsi son caractère de travail humain. La forme totale de la valeur relative met une marchandise en rapport social avec toutes. En même temps la série interminable de ses expressions démontre que la valeur des marchandises revêt indifféremment toute forme particulière de valeur d’usage.

Dans la première forme : 20 mètres de toile = 1 habit, il peut sembler que ce soit par hasard que ces deux marchandises sont échangeables dans cette proportion déterminée.

Dans la seconde forme, au contraire, on aperçoit immédiatement ce que cache cette apparence. La valeur de la toile reste la même, qu’on l’exprime en vêtements, en café, en fer, au moyen de marchandises sans nombre appartenant à des échangistes les plus divers. Il devient évident que ce n’est pas l’échange qui règle la quantité de valeur d’une marchandise, mais au contraire la quantité de valeur de la marchandise qui règle ses rapports d’échange.

b) La forme équivalent particulière.

Chaque marchandise, habit, froment, thé, fer, etc., sert d’équivalent dans l’expression de la valeur de la toile. La forme naturelle de chacune de ces marchandises est maintenant une forme équivalente particulière à côté de beaucoup d’autres. De même les genres variés de travaux utiles, contenus dans les divers corps de marchandises, représentent autant de formes particulières de réalisation ou de manifestation du travail humain pur et simple.

c) Défauts de la forme valeur totale ou développée.

D’abord l’expression relative de valeur est inachevée parce que la série de ses termes n’est jamais close. La chaîne dont chaque comparaison de valeur forme un des anneaux, peut s’allonger à volonté à mesure qu’une nouvelle espèce de marchandise fournit la matière d’une expression nouvelle. Si, de plus, comme cela doit se faire, on généralise cette forme en l’appliquant à tout genre de marchandise, on obtiendra, au bout du compte, autant de séries diverses et interminables d’expressions de valeur qu’il y aura de marchandises. — Les défauts de la forme développée de la valeur relative se reflètent dans la forme équivalent qui lui correspond. Comme la forme naturelle de chaque espèce de marchandises fournit ici une forme équivalent particulière à côté d’autres en nombre infini, il n’existe en général que des formes équivalent fragmentaires, dont chacune exclut l’autre. De même le genre de travail utile, concret, contenu dans chaque équivalent, n’y présente qu’une forme particulière, c’est-à-dire une manifestation incomplète du travail humain. Ce travail possède bien, il est vrai, sa forme complète ou totale de manifestation dans l’ensemble de ses formes particulières. Mais l’unité de forme et d’expression fait défaut.

La forme totale ou développée de la valeur relative ne consiste cependant qu’en une somme d’expressions relatives simples ou d’équations de la première forme telles que :

20 mètres de toile = 1 habit,

20 mètres de toile = 10 livres de thé, etc.,
dont chacune contient réciproquement l’équation identique :

1 habit = 20 mètres de toile,

10 livres de thé = 20 mètres de toile, etc.

En fait : le possesseur de la toile l’échange-t-il contre beaucoup d’autres marchandises et exprime-t-il conséquemment sa valeur dans une série d’autant de termes, les possesseurs des autres marchandises doivent les échanger contre la toile et exprimer les valeurs de leurs marchandises diverses dans un seul et même terme, la toile. — Si donc nous retournons la série : 20 mètres de toile = 1 habit, ou = 10 livres de thé, ou = etc., c’est-à-dire si nous exprimons la réciproque qui y est déjà implicitement contenue, nous obtenons :

C. Forme valeur générale.
1 habit = 20 mètres de toile
10 livres de thé =
40 livres de café =
2 onces d’or =
1/2 tonne de fer =
x marchandise A =
etc. =

a) Changement de caractère de la forme valeur.

Les marchandises expriment maintenant leurs valeurs : 1o d’une manière simple, parce qu’elles l’expriment dans une seule espèce de marchandise ; 2o avec ensemble, parce qu’elles l’expriment dans la même espèce de marchandises. Leur forme valeur est simple et commune, conséquemment générale.

Les formes I et II ne parvenaient à exprimer la valeur d’une marchandise que comme quelque chose de distinct de sa propre valeur d’usage ou de sa propre matière. La première forme fournit des équations telles que celle-ci : 1 habit = 20 mètres de toile, 10 livres de thé = 1/2 tonne de fer, etc. La valeur de l’habit est exprimée comme quelque chose d’égal à la toile, la valeur du thé comme quelque chose d’égal au fer, etc. ; mais ces expressions de la valeur de l’habit et du thé sont aussi différentes l’une de l’autre que la toile et le fer. Cette forme ne se présente évidemment dans la pratique qu’aux époques primitives où les produits du travail n’étaient transformés en marchandises que par des échanges accidentels et isolés.

La seconde forme exprime plus complétement que la première la différence qui existe entre la valeur d’une marchandise, par exemple, d’un habit, et sa

    il y a des milliers d’espèces de valeur, autant d’espèces de valeur qu’il y a des genres de marchandises, et toutes sont également réelles et également nominales. » (A Critical Dissertation on the Nature, Measure and Causes of value : chiefly in reference to the writings of Mr. Ricardo and his followers. By the author of Essays on the Formation, etc., of Opinions. London, 1825, p. 39.) S. Bailey, l’auteur de cet écrit anonyme qui fit dans son temps beaucoup de bruit en Angleterre, se figure avoir anéanti tout concept positif de valeur par cette énumération des expressions relatives variées de la valeur d’une même marchandise. Quelle que fût l’étroitesse de son esprit, il n’en a pas moins parfois mis à nu les défauts de la théorie de Ricardo. Ce qui le prouve, c’est l’animosité avec laquelle il a été attaqué par l’école Ricardienne, par exemple dans le Westminster Review.