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AU CITOYEN KARL MARX

CHER MAÎTRE,

Votre livre « Le Capital » vous a attiré tant de sympathies parmi les classes ouvrières, en Allemagne, qu’il était naturel qu’un éditeur français eût l’idée de donner à son pays la traduction de cette œuvre magistrale.

La Russie a devancé la France, il est vrai, pour la reproduction de cet ouvrage important ; mais notre pays aura l’heureuse fortune de posséder la traduction faite sur le manuscrit de la deuxième édition allemande, avant même son apparition en Allemagne, et revisée par l’auteur.

La France pourra revendiquer la plus large part dans l’initiation des autres peuples à vos doctrines, car ce sera notre texte qui servira pour toutes les traductions qui seront faites du livre, en Angleterre, en Italie, en Espagne, en Amérique, partout enfin où se rencontreront des hommes de progrès, avides de connaître et désireux de propager les principes qui doivent régir les sociétés modernes dans l’ancien et le nouveau monde.

Le mode de publication que nous avons adopté, par livraisons à Dix centimes, aura cet avantage, de permettre à un plus grand nombre de nos amis de se procurer votre livre, les pauvres ne pouvant payer la science qu’avec l’obole ; votre but se trouvera atteint : rendre votre œuvre accessible à tous.

Quant à la crainte que vous manifestez de voir les lecteurs s’arrêter devant l’aridité des matières économiques traitées dans les premiers chapitres, l’avenir nous apprendra si elle était fondée.

Nous devons espérer que les personnes qui s’abonneront à votre ouvrage, ayant pour objet principal l’étude des doctrines économiques, ne se laisseront pas arrêter dans leur lecture par l’application de vos méthodes analytiques ; chacun comprendra que les premiers chapitres d’un livre d’économie politique doivent être consacrés à des raisonnements abstraits, préliminaires obligés des questions brûlantes qui passionnent les esprits, et qu’on ne peut arriver que graduellement à la solution des problèmes sociaux traités dans les chapitres suivants ; tous les lecteurs voudront vous suivre, — c’est ma conviction, — jusqu’à la conclusion de vos magnifiques théories.

Veuillez agréer, cher maître, l’assurance de toutes mes sympathies.


Maurice Lachatre