Page:Marx - Misère de la philosophie.djvu/110

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dans l’histoire de la société le mode d’échanger les produits se régler sur le mode de les produire. L’échange individuel correspond aussi à un mode de production déterminé, qui, lui-même, répond à l’antagonisme des classes, Ainsi pas d’échange individuel sans l’antagonisme des classes.

Mais les consciences honnêtes se refusent à cette évidence. Tant qu’on est bourgeois, on ne peut faire autrement que de voir dans ce rapport d’antagonisme un rapport d’harmonie et de justice éternelle, qui ne permet à personne de se faire valoir aux dépens d’autrui. Pour le bourgeois, l’échange individuel peut subsister sans l’antagonisme des classes : pour lui ce sont deux choses tout à fait disparates. L’échange individuel, comme se le figure le bourgeois, est loin de ressembler à l’échange individuel tel qu’il se pratique.

M. Bray fait de l’illusion de l’honnête bourgeois l’idéal qu’il voudrait réaliser. En épurant l’échange individuel, en le débarrassant de tout ce qu’il y trouve d’éléments antagonistes, il croit trouver un rapport « égalitaire », qu’il voudrait faire passer dans la société.

M. Bray ne voit pas que ce rapport égalitaire, cet idéal correctif, qu’il voudrait appliquer au monde, n’est lui-même que le reflet du monde actuel, et qu’il est par conséquent totalement impossible de reconstituer la société sur une base qui n’en est qu’une ombre embellie. À mesure que l’ombre redevient corps, on s’aperçoit que