Page:Marx - Misère de la philosophie.djvu/60

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nuer le mérite « afin de rassurer le lecteur sur ses prétentions à l’originalité, et de se réconcilier les esprits que leur timidité rend peu favorables aux idées nouvelles ». Mais à mesure qu’il fait la part de ce que chacun de ses prédécesseurs a fait pour l’évaluation de la valeur, il est forcément amené à avouer tout haut que c’est à lui qu’en revient la plus large part, la part du lion.

« L’idée synthétique de la valeur avait été vaguement aperçue par Adam Smith… Mais cette idée de la valeur était tout intuitive chez A. Smith : or, la société ne change pas ses habitudes sur la foi d’intuitions : elle ne se décide que sur l’autorité des faits. Il fallait que l’antinomie s’exprimât d’une manière plus sensible et plus nette : J.-B. Say fut son principal interprète. »

Voilà l’histoire toute faite de la découverte de la valeur synthétique : à Adam Smith l’intuition vague, à J.-B. Say l’antinomie, à M. Proudhon la vérité constituante et « constituée ». Et que l’on ne s’y méprenne pas : tous les autres économistes, de Say à Proudhon, n’ont fait que se traîner dans l’ornière de l’antinomie. « Il est incroyable que tant d’hommes de sens se démènent depuis quarante ans contre une idée si simple. Mais non, la comparaison des valeurs s’effectue sans qu’il y ait entre elles aucun point de comparaison et sans unité de mesure : voilà, plutôt que d’embrasser la théorie révolutionnaire de l’égalité, ce que les économistes du dix-neuvième siècle