Page:Marx - Misère de la philosophie.djvu/100

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contre un chapeau, toujours dans notre supposition première, il est évident que l’échange serait injuste. Le chapelier frustrerait le bottier d’une journée de travail ; et s’il en agissait ainsi dans tous ses échanges, il recevrait contre le travail d’une demi-année le produit de toute une année d’une autre personne. Jusqu’ici, nous avons toujours suivi ce système d’échange souverainement injuste : les ouvriers ont donné au capitaliste le travail de toute une année en échange de la valeur d’une demi-année (the workmen have given the capitalist the labour of a whole year, in exchange for the value of only half a year), — et c’est de là, et non pas d’une inégalité supposée dans les forces physiques et intellectuelles des individus, qu’est provenue l’inégalité de richesse et de pouvoir. L’inégalité des échanges, la différence des prix dans les achats et les ventes ne peut exister qu’à la condition qu’à tout jamais les capitalistes restent capitalistes et les ouvriers, ouvriers — les uns une classe de tyrans, les autres une classe d’esclaves… Cette transaction prouve donc clairement que les capitalistes et les propriétaires ne font que donner à l’ouvrier, pour son travail d’une semaine, une partie de la richesse qu’ils ont obtenue de lui la semaine d’avant, c’est-à-dire que pour quelque chose, ils ne lui donnent rien (nothing for something)… La transaction entre le travailleur et le capitaliste est une vraie comédie : dans le fait, elle n’est, en mainte circonstance,