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Page:Marx - Travail salarié et capital, 1931.djvu/113

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Mais alors, comment est déterminée « la valeur du travail » même ? Nous arrivons ici à un point mort. Naturellement à un point mort, si nous essayons de raisonner logiquement. Or, les défenseurs de cette opinion ne s’embarrassent pas beaucoup de preuves logiques. Voyez, par exemple, l’ami Weston. Tout d’abord il nous raconte que les salaires règlent les prix des marchandises et que, par conséquent, les prix ne peuvent moins faire que de monter lorsque les salaires montent. Puis il fait demi-tour pour nous montrer qu’une hausse des salaires ne servirait à rien parce que les prix des marchandises monteraient et que les salaires sont mesurés en fait sur les prix des marchandises pour lesquelles ils sont dépensés. Ainsi on commence par affirmer que la valeur du travail détermine la valeur de la marchandise et on finit en prétendant que la valeur de la marchandise détermine la valeur du travail. On tourne et retourne ainsi dans un cercle vicieux, sans arriver à aucune conclusion.

En définitive, il est évident que si nous faisons de la valeur d’une marchandise quelconque, par exemple, le travail, le blé, ou toute autre marchandise, l’étalon général et le régulateur de la valeur, nous ne faisons que déplacer la difficulté, car nous déterminons une valeur par une autre qui, de son côté, a besoin d’être déterminée. Exprimée dans sa forme la plus abstraite, l’assertion que « les salaires déterminent les prix des marchandises » revient à ceci : « la valeur est déterminée par la valeur », et cette tautologie signifie, en fait, que nous ne savons rien de la valeur. Si nous reconnaissons la valeur de cette prémisse, toute discussion sur les lois générales de l’économie politique devient du pur verbiage. Aussi le grand mérite de Ricardo fut-il de détruire de fond en comble dans ses Principes d’économie politique, publiés en 1817, cet ancien sophisme populaire bien fini qu’Adam Smith et ses prédécesseurs français avaient répudié dans les parties vraiment scientifiques de leurs recherches, mais qu’ils n’en avaient pas moins repris dans les chapitres de leurs œuvres plus superficielles et destinées à la vulgarisation.