Page:Marx - Travail salarié et capital, 1931.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comment une masse ouvrière jetée hors d’une branche industrielle par le machinisme pourrait-elle donc se réfugier dans une autre autrement qu’en étant payée plus mal, à un prix plus bas ?

On a cité comme une exception les ouvriers qui travaillent à la fabrication du machinisme même. Dès que l’industrie exige et consomme plus de machinisme, a-t-on dit, les machines doivent nécessairement augmenter en nombre, et par suite la fabrication des machines, donc aussi le nombre des ouvriers occupés à la fabrication des machines, et les ouvriers employés dans cette branche d’industrie sont des ouvriers habiles, voire même qualifiés.

Depuis l’année 1840, cette affirmation qui, déjà auparavant, était à moitié vraie seulement, a perdu toute apparence de valeur puisque de façon de plus en plus générale les machines furent autant employées à fabriquer les machines qu’à produire le fil de coton, et que les ouvriers employés dans les fabriques de machines, face aux machines extrêmement perfectionnées, ne purent plus jouer que le rôle de machines tout à fait rudimentaires.

Mais au lieu de l’homme chassé par la machine, la fabrique n’occupe-t-elle pas peut-être trois enfants et une femme ! Or, le salaire de l’homme ne devait-il pas être suffisant pour les trois enfants et la femme ? Le minimum du salaire ne devait-il pas suffire à entretenir et à reproduire la race ? Que prouve donc cette façon de s’exprimer chère aux bourgeois ? Rien d’autre que ceci : quatre fois plus d’existences ouvrières qu’autrefois se consument pour faire vivre une seule famille ouvrière.

Résumons-nous : Plus le capital producteur s’accroît, plus la division du travail et l’emploi du machinisme prennent d’extension, plus la concurrence gagne parmi les ouvriers et plus leur salaire se resserre.

Ajoutons encore que la classe ouvrière se recrute dans les couches supérieures de la société. Il s’y précipite une masse de petits industriels et de petits rentiers qui n’ont rien de plus pressé que de lever les bras à côté de ceux des ouvriers. C’est ainsi que la forêt des bras qui se lèvent pour demander du travail se fait de plus en plus épaisse et les bras eux-mêmes de plus en plus maigres.