Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/190

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Ils constatent avec douleur la détresse prolétarienne ; ils l’attribuent, avec Michel Chevalier, à l’« insuffisance des produits », ou, avec Rossi, « à la disproportion de la population et du capital circulant », à « la concurrence exagérée » qui amène la formation d’une aristocratie financière autant que territoriale et la déroute de la petite propriété. Mais est-ce un remède que de frapper les abus de la concurrence quand on n’en proscrit pas le principe ? L’État doit-il, comme le veut Rossi, réglementer le travail « lorsque le danger est trop grand et les garanties insuffisantes » ? Mais ce danger n’est-il pas toujours le même, cette garantie toujours nulle ? Proudhon, du moins, l’avait dit. Ou bien, avec Dunoyer, faut-il attribuer les effets pernicieux de la concurrence précisément à ce qu’elle rencontre encore des obstacles, des monopoles qui la faussent ? Ne faudrait-il pas l’universaliser au contraire, ou bien, lui laissant libre jeu jusqu’au moment où des inconvénients apparaissent, n’y a-t-il pas lieu alors de la limiter ? « Il faut distinguer la théorie de la pratique, disait Dunoyer[1] ». Quels autres peut viser Marx, quand il parle de ces humanitaires dont toute la théorie « repose sur des distinctions interminables entre la théorie et la pratique[2] » ? N’est-ce pas eux qui proclament que les lois de l’économie doivent être appliquées, mais jusqu’à la limite où elles enfreindraient la morale ? Et les menues panacées : « développer l’instruction pro-

  1. Dunoyer, cité par Proudhon. Contradictions, I, 204.
  2. Marx. Anti-Proudhon, p. 173.