Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/199

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le million destiné à l’essai de la panacée. Cet essai, ils le veulent isolé, fait en petit. Ils comptent qu’ainsi il sera moins effrayant et plus persuasif. Ils commencent par réaliser la famille nouvelle, comme les saint-simoniens à Montmartre, ou la coopérative idéale nouvelle, la home-colony avec introduction du bon de travail, comme Owen à New-Lanark. Ils ne voient point que c’est l’ensemble des relations sociales qui est à changer, dans la production, dans l’échange, dans le droit, dans la famille et dans l’État ; et les relations nouvelles partielles, si elles viennent à se nouer, sont viciées nécessairement dans le milieu où persistent les relations anciennes. Mais avant tout il est vain de demander au capital l’émancipation des travailleurs, puisque c’est l’exploitation des travailleurs qui maintient le capitalisme. Il est contraire à une vue réelle des choses d’espérer cette émancipation sans lutte, puisque l’antagonisme, étant une fois créé, ne peut finir que par la consommation de la lutte, et non par une pacification factice à laquelle ne consentirait jamais le plus fort[1].

Faut-il dire que tout dans ces systèmes utopiques soit à rejeter ? Ce serait faire injustice à la force d’imagination et de sentiment avec laquelle les utopistes ont su, quoique bourgeois d’origine la plupart, se placer dans la condition du prolétariat. La partie descriptive, critique et émotionnelle de leur œuvre, comme chez les petits bourgeois et les féodaux socialistes, est,

  1. Engels. Lage der arbeitenden Klassen, p. 239-241.