Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/82

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santé physique ; mais elle demeure asservie à une élite d’aristocrates[1]. C’est à ce régime que commence à mettre fin l’ère du grand commerce maritime qui a l’atelier substitua la manufacture.

C’est le mérite particulier de Marx et un des résultats les plus certains de son livre contre Proudhon[2] que d’avoir établi comment la manufacture n’est pas due d’abord à une modification technique de la production. Elle n’est à l’origine qu’un groupement quantitatif nouveau, la substitution d’un grand atelier collectif, de besogne homogène, au petit atelier de famille. Il arrive ainsi que le grand commerçant armateur crée hors ville, hors de la juridiction corporative, des ateliers de tissage pour lesquels il achète encore les filés à l’industrie domestique, tandis que se juxtaposent sous le même toit les métiers jusque là épars dans les chaumières. L’utilité de l’atelier consistait à épargner sur le coulage par la discipline stricte et sur les frais d’immeuble par le travail en commun. Au xviie siècle encore, « la manufacture hollandaise connaissait à peine la division ».

L’industrie domestique se défend. À l’activité disciplinée et économique de l’atelier groupé, elle tache de suppléer par l’ingéniosité d’un mécanisme qui vingtuple la besogne individuelle. Un simple tisserand, Hargreave (1764), crée la jenny qui fait mouvoir à la main dix-huit

  1. Engels. Die Lage der arbeitenden Klassen. 2e éd., pp. 2-3.
  2. Marx. Anti-Proudhon. 2e éd., pp. 187-191.