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heur actuel, à se donner les qualités qui ennoblissent un être raisonnable. Alors un mari grossier ou peu aimable pourra choquer son goût, mais n’altérera jamais la paix de son ame ; préparée aux évenemens, au lieu de la plier à imiter les foiblesses de son associé, elle en saura souffrir les fâcheux effets, et ce caractère dur présentera une épreuve plutôt qu’un obstacle à sa vertu.

Si notre auteur eut borné ses remarques à l’espoir romanesque d’un amour constant et d’affections partagées, il auroit dû rappeler cette grande vérité : que l’expérience dissipera toujours ce bonheur après lequel ses avis ne nous empêcheront jamais de soupirer, et qui disparoît toutes les fois qu’en éveille l’imagination au dépens de la raison.

J’avoue qu’il arrive souvent que les Femmes qui se sont fait une délicatesse de sentimens vraiment romanesque et contraire à la nature, passent leur vie[1] à imaginer combien elles auroient été heureuses

  1. Je ne citerai, pour exemple, que le fatras de romans dont nous sommes inondés.