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nous été créés ? Pour demeurer, nous répondront-ils peut-être, dans un état d’innocence ; je sens trop bien qu’ils veulent dire un état d’enfance. — Il vaudroit autant pour nous ne pas être nées, à moins qu’on n’ait la barbarie de nous soutenir que notre existence est consacrée à mettre l’homme plus en état d’acquérir le noble privilège de la raison et la faculté de discerner le bien du mal, tandisque nous rampons dans la poussière dont nous fûmes tirées, sans espoir de nous en relever jamais.

Ce seroit une tâche, sans fin, de détailler tout l’avilissement, les inquiétudes et les chagrins où les Femmes sont plongées par l’établissement de cette opinion qu’elles ont été créées plutôt pour sentir que pour raisonner ; et que c’est par leurs charmes et leur foiblesse qu’elles doivent obtenir ce qu’on leur accorde d’influence : « belles par défaut de force et aimablement foibles » comme dit le poëte ; que résulte-t-il de cette aimable foiblesse ? C’est qu’elle les rend entièrement dépendantes de l’homme, non seulement pour la protection, mais même pour les conseils, ex-