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quelques lettres

homme ; son verbe éclate avec fracas, son geste sabre ou masse, toute son attitude enfin dénote la plus vive contrariété.

Je l’informe que les patrons, occupés au Palais de Justice, ne seront de retour que dans une heure. Durand répond qu’il attendra et fait mine de s’asseoir. Mais non, il ne peut reposer ; il se lève aussitôt et commence à arpenter ce qu’on est convenu d’appeler la salle d’attente. Il bout comme la marmite à Papin et ne peut se contenir davantage. Le voici qui explose :

— Je veux faire exempter mon garçon Gustave. Les « spotters » sont venus le chercher pour la maudite conscription… Il ne manquerait plus que ça qu’on travaillerait comme des mercenaires, qu’on élèverait des enfants pour les envoyer là-bas se faire massacrer… Si les gens des vieux pays veulent se chamailler, qu’ils le fassent à leurs dépens. Pensez-vous pas, monsieur ?

Mais sans me donner le temps de répondre à sa question, il poursuit son réquisitoire :

— On n’est pas obligé d’aller se battre pour l’Angleterre. On ne leur doit rien aux Anglais, rien que le pardon des injures, comme l’a dit un orateur, l’autre jour… Que les « blokes » y aillent à la guerre, eux, au lieu de venir prendre la place de nos gens dans les manufactures…

Et il continue sur ce ton avec une volubilité extraordinaire. Non, ils n’auront pas son fils, un