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L’État-mine !


On voit, dans l’histoire, que les découvreurs prenaient possession des terres où ils abordaient en y plantant des croix. C’était certes agir en bons chrétiens, et je le dis sans calembour. Mais c’est nous, par exemple, qui serions des poires si nous avions la naïveté de prendre ce geste pour autre chose qu’un geste et de nous imaginer que ces gens-là s’inspiraient surtout de la plus grande gloire de Dieu.

Sans doute, la formule lapidaire « gesta Dei per Francos » cadre bien avec le chauvinisme théâtral dont est féru tout Latin. L’a-t-on assez sorti le classique cliché dans les grandes, moyennes et petites circonstances. Aujourd’hui, c’est usé à la corde et la rhétorique n’a plus guère de prise sur nos esprits désabusés. Nous sommes d’un autre bateau, paraît-il.

Je sais parfaitement qu’il n’y a pas grand mérite à suspecter les motifs de ceux qui sont disparus depuis des siècles. J’entends dire que déblatérer contre les gens en place, dans l’histoire ou ailleurs, est une façon commode de rallier les suffrages de la médiocrité, c’est-à-dire du très grand nombre, à qui toujours le mérite, fût-il relatif, et surtout le succès portent ombrage.