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la terrasse
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ne fait tapisserie. Ce n’est vraiment que lorsque la pluie ou la neige se mettent de la partie qu’on la déserte.

L’été surtout, quand la musique de la Garnison la vient sérénader, c’est noir de monde jusqu’à neuf heures alors que le couvre-feu résonne au canon de la Citadelle. Presto, tout le monde rentre chez soi. Je dis tout le monde, mais il ne faut pas que j’exagère car, pour bon nombre, c’est simplement le signal de la promotion. Je m’explique : c’est l’heure où la connaissance, ébauchée tout à l’heure, passe au rang d’amitié ; c’est le moment semi-psychologique où de la Terrasse les initiés sont promus au Jardin du Fort.

Le Jardin du Fort, c’est comme le complément direct de la Terrasse, son septième ciel. Il y a là des arbres avec leur fraîcheur, des fleurs avec leur parfum, des allées ombreuses, une lumière discrètement tamisée par le feuillage, bref, tout ce qu’il faut aux âmes sensibles moins le ramage que remplacent les soupirs. Et pendant que l’idylle prend corps, de ces frondaisons, de ces senteurs, de ces friselis, de ces chuchotements se dresse, vivant symbole, l’obélisque Wolfe-Montcalm.

Mais glissons, mortels, n’appuyons pas !

La Terrasse, comme une belle femme, est toujours très entourée. Et si elle est fort recherchée, l’été, elle est loin d’être délaissée, l’hiver. C’est même elle qui tient le grand rôle dans le carnaval.