Combat singulier
Pierre Bégin, un solide gaillard de Stokane, s’en venait, ce jour-là, dans la rue Saint-Paul, transportant sur son baquet une tonne de mélasse qu’il était allé chercher à la Quebec Preserving et qu’il devait livrer chez Bussières, au marché Finlay.
De son côté, Emmet O’Brien, un colosse irlandais du Cap Blanc, conduisait vers le quartier du Palais, en suivant la rue Saint-Pierre, un banneau chargé de 975 livres de charbon.
On a compris, si l’on connaît le moindrement la Basse Ville, que les deux charretiers s’en venaient en sens inverse, c’est à-dire à la rencontre l’un de l’autre.
Arrivés à l’endroit précis où s’aboutent à angle obtus les deux rues, soit maladresse de part ou d’autre ou de part et d’autre, soit fausse manœuvre des chevaux — on ne sait au juste à qui ou à quoi attribuer la faute — les deux lourdes charges se tamponnèrent avec le résultat que voici : la tonne de mélasse, sous le contrecoup imprimé au baquet, fut projetée hors des limons et donna violemment