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massé… doine
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de l’autre groupe car tandis que Roberts se hâtait en suivant la rivière vers l’est, Marchessault et Cartier perdaient un temps précieux à parlementer avec Thomas. Et c’est ce qui explique que les appels de part et d’autre comme les aboiements de Craig restèrent sans réponse.

Lorsqu’il lui fallut enfin se rendre compte que ses amis et lui se trouvaient séparés, Roberts qui était un homme de cœur en conçut un vif chagrin. Cet événement malheureux lui sembla de mauvais présage et il se prit à douter de l’heureuse issue de leur voyage. Il était, lui, l’âme de ce parti ; c’est lui surtout qui avait conseillé la fuite et, par un fatal contretemps, il voyait maintenant leurs forces divisées, leur salut compromis. Ce qui ajoutait encore à ses inquiétudes et à ces regrets, c’est qu’il savait ses compagnons abandonnés en pleine solitude, sans guide et sans provisions, alors que lui avait tout. Que penserait-on de lui ? Ne l’accuserait-on pas de trahison, de lâcheté, de basse déloyauté envers des compagnons d’infortune, après avoir compromis leur avenir, leur liberté, leur vie dans cette révolte dont il avait été l’un des plus ardents instigateurs.

Et à ces pensées qui le harcelaient, il se dépitait, maugréait contre les deux guides et maudissait le sort advers. Bien que la marche fût difficile, il brûlait les étapes, espérant ainsi atteindre ceux qu’il croyait en avance d’eux.

Cependant, la fatigue commençait à se faire sentir. À la torture morale, à la lassitude physique, la faim ajoutait son aiguillon. Les provisions s’étaient épuisées et, bien que le gibier fût abondant, on évitait de tirer des coups de feu, par crainte d’attirer l’attention, car on traversait maintenant un territoire décidément hostile, le canton de Shefford, où la milice du comté avait ses quartiers-généraux.

Pour faciliter la marche, on suivait autant que possible le terrain défriché, en lisière de la forêt, on utilisait les clairières tant celles que l’ouragan avait tracées (wind-falls) que celles