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massé… doine

Le Père Édouard mit ses lunettes, examina attentivement les écorces, les rides de son front se contractèrent comme lorsqu’il méditait quelque malice et il finit par me dire : — « Ce que tu as trouvé là, mon garçon, est un document qui a une grande importance. D’après ce que je puis voir par cet examen superficiel, il s’agit probablement du journal ou de l’autobiographie de cet écureuil que tu me dis avoir tué. Grâce à mon expérience et aux connaissances que j’ai acquises par mes longues courses dans les bois et mes expéditions de chasse dans la forêt, je connais bien les mœurs et habitudes des animaux. Ces piqûres sur cette écorce sont des caractères d’écriture que les écureuils tracent de leurs incisives ; j’en ai souvent vu et je crois que je puis encore les déchiffrer. Cette écriture a beaucoup d’analogie avec le genre cunéiforme des anciens… »

Et le Père Édouard continuait sur ce ton avec d’autant plus de succès que je n’y comprenais plus goutte. Si son intention malicieuse de vieux pêcheur était d’amorcer mon attention, si son but, habitude de piégeur, était de captiver mon imagination, je dois reconnaître qu’il y réussit à merveille.

Il m’assura qu’il allait se mettre à l’œuvre aussitôt et commencer par abluer la pièce ; après quoi, à l’aide d’un procédé dont il avait le secret, il viendrait bien à bout de déchiffrer ce manuscrit ou plutôt ce… dentiscrit.

Dix jours, dix siècles après, le travail était terminé et voici, en langue vernaculaire, la substance de ce document qui, n’eut été le savoir philologique du Père Édouard, serait resté un inintelligible grimoire :

Je m’appelle Nuxette et suis née dans un trou pas cher, au pied d’un vieux hêtre — sub tegmine fagi — à l’orée du bois » près du chemin qui mène à Saint-Alphonse.