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la légende de petit lac de roxton
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petite Toinette ne reviendrait pas de toutes ces maladies, qu’elle allait mourir et la laisser seule dans la vie, etc.

Il y a, dans les larmes d’une mère, quelque chose de déchirant en même temps que de sacré qui apitoie l’âme la plus stoïque, attendrit le cœur le moins sensible. Aussi, le docteur Gravel — on croirait les médecins cuirassés contre l’émotion par la pratique constante des chevets de moribonds et la fréquence des scènes pathétiques qui y font cadre — le docteur Gravel sentit les larmes le gagner et ne put qu’adresser à la mère éplorée quelques paroles de consolation et d’encouragement, répertoire banal de tout Esculape, mais aussi indispensable que sa trousse. Après avoir prescrit une diète légère, le repos absolu et des tablettes d’opium camphré, il se retira, promettant de revenir le lendemain.

Ce soir-là, vers huit heures, Antoinette se leva soudain et, comme si ses membres engourdis par l’inaction eussent éprouvé un besoin impérieux de détente, elle se livra à une danse frénétique dans les deux pièces qui composaient le logis. Elle dansait et sautait sans relâche, renversant les meubles en esquissant les entrechats les plus fantaisistes. À la fin, épuisée, elle s’affaissait en proie à une crise violente, les yeux révulsés, la bouche tordue en un rictus hideux et lançant des rugissements terribles tandis que ses ongles labouraient ses chairs qui se zébraient de sang. Puis, la crise passée, le sabbat reprenait de plus belle. Incapable de maîtriser la forcenée, sa mère sortit pour chercher de l’aide et envoyer quérir le curé.

Le plus proche voisin habitait à cinq arpents de là et lorsqu’on revint, la maison flambait et Antoinette se débattait au milieu du brasier. Dans sa danse furibonde, elle avait sans doute renversé le poêle que sa mère avait allumé pour préparer le repas du soir.

Hélas ! l’incendie avait trop d’avance et les efforts qu’on fit pour sauver la malheureuse furent vains. Les flammes rapidement faisaient leur œuvre. Les voisins qui arrivaient entendirent la voix d’Antoinette, cette voix d’autrefois qui se