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massé… doine

Mais souffrez que je vous mette au courant. Et si vous trouvez que je vais au but par le chemin des écoliers, n’allez pas croire que c’est intentionnellement pour vous faire languir. Non, c’est que, dans une affaire de cette nature, il faut se garder de brûler les étapes, le moindre fil devenant parfois un chaînon, et le détail le plus infime, un événement gros de conséquences.

Au commencement du siècle dernier, le capitaine John Savage, du Vermont, s’était fait concéder, pour lui et ses associés, une quarantaine de mille acres de terre dans le canton de Shefford, c’est-à-dire la presque totalité du canton si l’on excepte la partie (les deux tiers de la superficie totale) réservée par l’administration aux fins officielles, civiles et ecclésiastiques. C’est ce qu’on appela les « Clergy Reserves ».

À cette époque reculée, il n’y avait guère d’établissements, dans cette partie des Cantons de l’Est, que le long de la frontière, surtout à la Baie Missisquoi et à Dunham Flats. Toutefois et dès 1797, un « chemin du Roi » avait été ouvert de la Baie jusqu’aux seigneuries. C’était la route de la poste ou de la diligence. Elle reliait les États-Unis à Montréal et se trouvait à traverser le canton de Shefford d’un bout à l’autre.

Il ne faut pas croire que Savage et ses compagnons eurent la faculté de se fixer à proximité du chemin public. Non, chacun dût s’établir sur le lot de quelques acres qui lui avait été attribué au petit bonheur et se tirer d’affaires au mieux de son endurance et de son initiative. C’est dire que les concessionnaires se trouvèrent dispersés sur une vaste étendue, sans voies de communication et sans autres ressources que celles qu’une nature plantureuse mettait à leur disposition. Et dans les circonstances, ces ressources constituaient plutôt des obstacles.

Ce fut une démonstration typique de la thèse du « survival