Page:Massé - Mena’sen, 1922.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 112 —


XVIII


Ô les heures interminables d’une nuit sans sommeil passée au chevet d’un être cher qui halète de fièvre ou divague en proie à quelque effrayant cauchemar ! Voir pâtir l’un des siens et sentir son impuissance à soulager sa souffrance, est-il pire tourment ? Entendre toute la nuit le tic-tac monotone de la pendule qui semble compter les instants qui restent au moribond, quel supplice ! quelle obsession !

Quel est donc l’atroce martyre d’un jeune homme qui, lui, n’a pas même l’abri d’un toit, le secours du moindre médicament, le confort d’un simple grabat à donner à sa fiancée que la fièvre consume, qui, dans son délire, se voit traquée par des ennemis acharnés et dont les cris d’effroi glacent d’épouvante ! Sa torture morale est si intense, sa tension nerveuse si outrée qu’il ne ressent pas sa propre fatigue corporelle. Il n’a d’yeux que pour la figure amaigrie, empourprée de sa bien-aimée ; il n’a d’oreilles que pour les plaintes rauques ou dolentes qui sortent de ses lèvres.

C’est ainsi que Robert passa la nuit auprès de la jeune fille, ballotté entre l’espoir et le découragement, selon que la malade reposait tranquille ou qu’elle subissait quelque crise déprimante qui la brisait et la rejetait pantelante, exténuée dans une torpeur voisine du coma.

Robert se reprochait maintenant sa folle équipée. Il avait manqué de jugement, de prévoyance. Lui, le vigoureux forgeron, pouvait affronter pareilles privations, mais il aurait dû songer que semblable corvée était au-dessus des forces de la jeune fille. Voilà à quoi aboutissaient sa présomption, son impéritie ! Cette pauvre