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Or, Monseigneur, qui n’est encore qu’administrateur, brigue l’office de gouverneur, ambition bien légitime, après tout. Voilà pourquoi, Monseigneur le Marquis fait des frais d’amabilité et est aux petits soins avec les diverses coteries. Il ménage les susceptibilités des uns sans décourager les prétentions des autres. Il pratique des intelligences dans tous les camps. Il se commet à tout le monde mais avec personne. Il a adopté la devise de Catherine de Médicis : il divise pour régner. C’est un équilibriste par nécessité ; ne se sentant pas solidement assis dans la faveur du Ministre, il bascule. Des contestations et des disputes des autres, il règle sa conduite. Monseigneur — on le monseigneurise par anticipation — a petit esprit et grande ambition, de quoi vraiment édifier sa fortune. C’est une salamandre florissant au milieu des discordes qui consument autrui. C’est un vice-roi qui a interverti les rôles ; il flatte ses courtisans. Entre la chèvre et le chou, il ne manifeste aucune prédilection à moins, bien entendu, qu’il ne s’agisse d’une toute petite chèvre et d’un gros gros chou, car Monseigneur le Marquis, quand il lui faut prendre parti — et il ne s’y résout qu’à la dernière extrémité — a toujours soin de se ranger avec les plus forts.

Ainsi donc, si Monseigneur a convenu, ce soir, les notabilités de la colonie, vous pouvez être assuré qu’il n’obéit nullement à une tradition d’hospitalité mais bien à un motif sordide, dût-il, pour sauver les dehors, invoquer la raison d’État. On pourra bien, au cours de la soirée, faire de l’esprit, se flagorner les uns les autres, casser du sucre sur le dos des absents, trinquer à l’année nouvelle, raisiner et raisonner, mais on finira, à coup sûr, par parler politique et c’est précisément pour pressentir ces messieurs sur pareil