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finirent par se désigner du nom de leur fief. C’est ainsi que leur est venue la particule.

Nous admettrons, si l’on veut chicaner, qu’il y a usurpation, car enfin le titre qu’ils s’arrogeaient ne s’autorisait d’aucune patente dûment paraphée. Mais l’ennoblissement qui procède de la glèbe vaut bien celui que confère le caprice royal, si l’on se rappelle quelles horreurs recelaient souvent les lettres de noblesse.

Si la féodalité s’implanta au pays — c’était du reste le système social alors en honneur — ce fut, Dieu merci, une féodalité mitigée comportant un servage du sol plus que de l’individu et qui laissait sauve la dignité du vassal.

On peut ouvrir grandes les pages de notre histoire, feuilleter à loisir notre modeste armorial, perscruter nos naïves origines héraldiques : on en pourra sourire mais nous n’avons point à en rougir. Elles sont obscures, fantaisistes mêmes, si l’on veut, mais elles n’ont rien de « vilain » qu’on ne puisse étaler au grand jour. Ces parchemins sont apocryphes, ils ne portent pas l’empreinte du sceau royal, soit, mais ils ne sont pas non plus scellés d’un stigmate de honte.

On peut d’une ignoble catin faire une marquise ou une duchesse, on peut d’une Antoinette Poisson faire une De Pompadour, on peut se faire ennoblir pour peu qu’on ait de complaisance : on s’anoblit soi-même !

Nos vastes domaines seigneuriaux aux fertiles alluvions, aux forêts richement boisées et profusément giboyeuses, aux multiples cours d’eau poissonneux, purent n’être, pour certaines âmes encanaillées de stupre, que quelques arpents de neige, mais ils ne furent jamais, au grand jamais, l’Haceldama de l’infamie !