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circonvenir ceux des nôtres qui ont plus à cœur l’intérêt de la colonie que leur avancement personnel. Le langage que je vous parle maintenant a été tenu, l’autre jour, au conseil. Mon oncle Boucher, dont le zèle est bien connu et si sincère, a fait entendre la voix de la raison et de la justice. Les conseils pernicieux de la cabale ont prévalu, la basse intrigue a triomphé. Le père Hertel lui-même qui a pourtant donné, vous en savez quelque chose, tant de preuves de bravoure et de dévouement, a été insulté. On est même allé, je n’affecte rien, jusqu’à suspecter sa féauté et à l’accuser, ou presque, de pagnoterie !

— Monseigneur de Vaudreuil n’était donc pas là ?

— Monseigneur le Marquis a, paraît-il, un crime atroce sur la conscience : sa gracieuse épouse, Elizabeth Joybert de Soulanges, est une Canadienne. Il est donc compromis aux yeux des basochiens et s’efforce de rentrer en grâce… Et voilà comment est tombé cet homme qui défendait Israel !

— Mais, monsieur Crevier, il faudrait porter ces faits à la connaissance du Roy.

— Le Roy est bien loin, mon pauvre Philippe, et… et la liberté de nos vastes forêts, si infestées qu’elles soient de guet-apens, vaut encore mieux qu’une oubliette dans la Bastille. Mieux vaut le tomahawk des Iroquois que la haîne des courtisans !

— Alors ?…

— Alors, il nous reste à obéir et à tirer le meilleur parti possible de la situation. Si je vous parle ainsi à cœur ouvert, c’est que je connais votre discrétion et votre force de caractère. Votre bravoure m’assure que vous saurez faire votre devoir envers notre Roy, puisque c’est en son nom qu’on commande.