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liciens pour pénétrer dans le beffroi et, à l’heure convenue, donner le signal.

Au son du tocsin, le cri de guerre abénaquis « aanut ! aanut » sortit d’une centaine de poitrines, cri vociféré avec rage et dont l’écho multipliait la rumeur, donnant ainsi à la population réveillée en sursaut, stupéfiée, l’impression de milliers de voix.

Alors, l’aura du carnage passa sur ces fauves dont les narines dilatées humaient avec délice le parfum capiteux du sang chaud dont les oreilles goûtaient avec passion l’affolante musique d’imprécations impuissantes, de hurlements de rage des hommes, de cris d’effroi et de détresse ou de rires idiots, hystériques des femmes, de vagissements ténus des bébés.

Inaccessibles à la pitié, sourds à tous les sentiments, ces barbares faisaient leur œuvre sinistre, sans répit, sans quartiers, brandissant le tomahawk ou la machette, fracassant le crâne aux mioches contre leurs bers.

Surpris par l’imprévu de l’attaque, les hommes n’avaient pas eu le temps de saisir leurs armes pour défendre leur vie et celle des leurs traqués comme un gibier par l’âpre meute. Sous les moulinets du tomahawk, les cervelles giclaient palpitantes, maculant les lits où les femmes, folles d’héroïsme, s’offraient aux bourreaux de leurs maris, dans le vain espoir d’acheter, à ce prix la vie de leurs petits.

Sacrifices inutiles, ces démons déchaînés n’obéissaient plus qu’à une passion : le carnage. Les nudités médiatrices n’émouvaient plus que leurs haches tranchantes. Insensibles à la luxure, ils dédaignaient le viol pour ne songer qu’à la boucherie. Et les crânes s’ouvraient béants sous la massue homicide qui trucidait femmes