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comme une buée tiède de sang. Des surgeons d’eau, surpris par le gel, bordent ces plaies d’excroissances fongueuses et de tumescences bourgeonnantes. Puis ces blessures se cicatrisent ou se suturent magiquement sans laisser la moindre eschare.

Le monstre dompté rugit encore d’impuissance ; il a parfois des révoltes, il se raidit, se convulse, sa carapace craque sous l’effort se gerce, se divaque jusqu’à la crise fatale alors que le printemps met de la fougue, de la frénésie dans ses transports longtemps réprimés.

Et c’est la débâcle, la panique, le sauve-qui-peut chez les bourguignons gourmés à se croire icebergs et qui, parvenus dégommés, jouent des coudes, se heurtent, se bousculent dans la cohue anonyme qui fiévreusement se hâte vers le néant.

Une armée de glaçons monte à l’assaut d’Hyver qui, arc-bouté sur chaque rive, résiste désespérément. Les assaillants s’entassent en légions, les renforts viennent prêter main-forte, toute l’arrière-garde s’avance en rangs serrés. Le choc est terrible et longtemps le défilé reste infranchissable. Alors Alsiganteka savamment mobilise ses réserves, masse ses forces en arrière pour un suprême assaut et, furieux, irrésistible, de toutes parts il fond sur la muraille qui, lentement, cède et s’écroule enfin avec un bruit formidable qui fait frémir la falaise.

Sur la rive dégagée vienne maintenant l’Abénaquis harponner au passage, de son nigog acéré, la carpe goulue.

Mais c’est l’été que l’Alsiganteka se révèle dans toute sa splendeur, s’attourne de ses plus éblouissants attraits. C’est une véritable apocalypse : jamais l’œil n’a contemplé plus séduisant spectacle, jamais l’oreille n’a ouï musique plus captivante. C’est