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fallait, à tout prix et sans perdre une minute, fuir, s’éloigner, distancer leurs poursuivants. Aussi, dissimulant le profond désappointement que lui causait le contretemps dont ils étaient victimes, Robert poussa au large le canot invalide qui, la quille en l’air, partit à la dérive. Peut-être leur rendrait-il ainsi un dernier service en faisant croire que les fugitifs s’étaient noyés.

D’un œil moite, le jeune homme regarda s’éloigner cet auxiliaire précieux à qui ils étaient redevables d’avoir pu quitter l’isle-geôle. Se tournant ensuite vers Alice :

— C’est maintenant, lui dit-il, qu’il faut être vaillante et forte car c’est de ce moment que commence notre pèlerinage vers le sol natal. Je ne te cache pas, ma chérie, qu’il sera pénible et ardu. Sois courageuse, espère et prie. Sois assurée que, moi vivant, il ne saurait t’arriver aucun mal. Nous ne sommes encore qu’au début de nos tribulations. Jusqu’ici, nous axions eu la rivière pour alliée ; j’avais compté sur elle pour nous mener beaucoup plus loin. Dieu en a décidé autrement ; que sa sainte volonté soit faite. J’avais espéré t’épargner, pour plusieurs jours encore, les fatigues de la marche, mais le canot indien n’a pas voulu pousser plus oultre sa complaisance. Confiants en la Providence, hâtons-nous donc, car nous ne sommes encore qu’à peu de distance de Saint-François. Si ton pied saigne aux cailloux de la route, songe qu’elle mène à Deerfield ; cette pensée allègera ta souffrance.

Et soutenant la jeune fille, il se mit à escalader la montée abrupte qui devait les conduire au haut de la chute.

— Oui je serai courageuse, répétait Alice. Si la force me fait défaut, l’amour me soutiendra. Dieu aidant, je saurai me montrer digne de toi. Ma mère du haut du ciel veille sur nous, car elle a