à l’Opéra, avec Sibyl Sanderson ! « Vous avez l’artiste, l’ouvrage la suivra ! » Je n’avais pas autre chose à répondre. Je me souviens, cependant, des reproches très émus que me fit Carvalho. Il m’accusa presque d’ingratitude, et Dieu sait si je le méritais !
Thaïs eut comme interprètes : Sibyl Sanderson, J.-F. Delmas, qui fit du rôle d’Athanaël une de ses plus importantes créations ; Alvarez, qui avait consenti à jouer le rôle de Nicias, et Mme Héglon, qui avait agi de même pour celui qui lui était dévolu.
Tout en écoutant les dernières répétitions, dans le fond de la salle déserte, je revivais mes extases devant les restes de la Thaïs d’Antinoë, étendue auprès de l’anachorète, encore enveloppé de son cilice de fer, et qu’elle avait enivré de ses grâces et de ses charmes. Ce spectacle impressionnant, bien fait pour frapper l’imagination, nous le devions à une vitrine du musée Guimet.
La veille de la répétition générale de Thaïs, je m’étais échappé de Paris et j’e’tais parti pour Dieppe et Pourville, à seule fin de m’isoler et de me soustraire aux agitations de la grande ville. J’ai déjà dit que je m’arrache toujours ainsi aux palpitantes incertitudes qui planent forcément sur toute œuvre, quand elle affronte pour la première fois le public. Sait-on jamais à l’avance le sentiment qui l’agite, ses préventions ou ses sympathies, ce qui peut l’entraîner vers une œuvre ou l’en détourner ? Je me sens défaillir devant cette redoutable énigme ; aurais-je la conscience mille fois tranquille, que je ne désire pas en aborder l’obscur mystère !