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MES SOUVENIRS

Il y avait donc vingt et un ans que cet ouvrage attendait dans le silence.

Amadis ! Quel joli poème j’avais là ! Quel aspect vraiment nouveau ! Quelle poétique et touchante allure avait ce Chevalier du lys, resté le type des amants constants et respectueux ! Quel enchantement dans ces situations ! Quelle attachante résurrection, enfin, que celle de ces nobles héros de la chevalerie du moyen âge, de ces preux, si vaillants et si braves !

Je retirai donc cette partition du coffre et y laissai un quatuor et deux choeurs pour voix d’hommes. Amadis devait être mon travail de l’été. J’en commençai allègrement la copie à Paris et allai la continuer à Égreville.

Malgré ce travail facile et qui me semblait un si lénitif et si parfait calmant au malaise que je ressentais, je me trouvais véritablement très souffrant et je me disais que j’avais bien fait de renoncer à composer, me sachant dans un état de santé si précaire.

J’arrivai à Paris pour consulter mon médecin. Il m’ausculta, puis, ne me cachant pas ce que lui avait révélé son diagnostic : « Vous êtes très malade ! » me fit-il. « Comment ? lui dis-je, c’est impossible ! Je copiais encore lorsque vous êtes venu ! »

« Vous êtes très gravement malade ! » insista-t-il. Le lendemain matin, médecins et chirurgien m’obligeaient à quitter mon cher et doux foyer, ma chambre tant aimée.

Une ambulance automobile m’emporta à la maison de santé de la rue de-La-Chaise. Ce m’était une consolation. Je ne quittais pas mon quartier. Je fus ins-