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MES SOUVENIRS
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jeunesse, je demandai à mes camarades, qui faisaient partie des chœurs d’enfants, de m’emmener et de me cacher parmi eux. Il faut aussi que je l’avoue, j’étais possédé du secret désir de pénétrer dans les coulisses d’un théâtre !

Cette escapade, vous le devinez, mes chers enfants, ne fut pas sans inquiéter ma mère. Elle m’attendit jusqu’à minuit passé… me croyant perdu dans ce grand Paris.

Quand je rentrai, tout penaud et courbant la tête, point n’est besoin de dire que je fus fort sermonné. À deux reprises je laissai passer l’orage ; s’il est vrai que la colère des femmes est comme la pluie dans les bois qui tombe deux fois, le cœur d’une mère, du moins, ne saurait éterniser le courroux. Je me mis donc au lit, tranquillisé de ce côté. Je ne pus cependant dormir. Je repassais dans ma petite tête toutes les beautés de l’œuvre que j’avais entendue et je revoyais la haute et fière figure de Berlioz dirigeant magistralement cette superbe exécution !

Ma vie, cependant, s’écoulait heureuse et laborieuse. Cela ne dura pas.

Les médecins avaient ordonné à mon père de quitter Paris dont le climat lui était malsain et d’aller suivre le traitement pratiqué à Aix, en Savoie.

S’inclinant devant cet arrêt, mes père et mère partirent pour Chambéry : ils m’emmenèrent avec eux.

Ma carrière de jeune artiste était donc interrompue. Qu’y faire ?

Je restai à Chambéry pendant deux longues années. Mon existence, toutefois, ne fut pas trop monotone. Je l’employais à continuer mes études classiques,