Page:Massicotte - Dollard des Ormeaux et ses compagnons, 1920.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 86 —

l’armée, quoique l’on y fît le guet, sans aucune mauvaise rencontre, et se sauva de la sorte. Ils ont rapporté qu’un Iroquois ayant rencontré un Français, lui dit : Je t’arrête ; et que le Français, qu’on dit être celui qui par commisération acheva de tuer les moribonds, et qui avait un pistolet en son sein, dont les ennemis ne s’étaient pas aperçus, le tira, en disant du même ton : Et moi, je te tue, et le tua en effet.

Sans les connaissances que ces Hurons fugitifs nous ont données, on ne saurait point ce que nos Français et nos sauvages seraient devenus, ni où aurait été l’armée des ennemis, qui après la défaite dont je viens de parler, s’en sont retournés en leurs pays, enflés de leur victoire, quoiqu’elle ne soit pas grande en elle-même. Car sept cents hommes ont-ils sujets de s’enorgueillir pour avoir surmonté une si petite troupe de gens ? Mais c’est le génie des sauvages quand ils n’auraient pris ou tué que vingt hommes, de s’en retourner sur leurs pas pour en faire montre en leurs pays. L’on avait conjecturé ici que l’issue de cette affaire serait telle qu’elle est arrivée, savoir que nos dix-sept Français et nos bons sauvages seraient les victimes qui sauveraient tout le pays ; car il est certain que sans cette rencontre, nous étions perdus sans ressources parce que personne n’était sur ses gardes, ni même en soupçon que les ennemis dussent venir. Ils devaient néanmoins être ici à la Pentecôte, auquel temps les hommes étant à la campagne, ils nous eussent trouvés sans force et sans défense ; ils eussent tué, pillé et enlevé hommes, femmes, enfants ; et quoiqu’ils n’eussent pu rien faire à nos maisons de pierre, venant fondre néanmoins avec impétuosité, ils eussent jeté la crainte et la frayeur partout. On tient pour certain qu’ils reviendront à l’automne ou au printemps de l’année prochaine ; c’est pourquoi on se fortifie dans Québec. Et pour le dehors, M. le Gouverneur a puissamment travaillé à faire des réduits ou villages fermés, où il oblige chacun de bâtir une maison pour sa famille, et contribuer à faire des granges communes pour