Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/234

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qui ne soient jamais tombés, que vous n’en trouverez qui, après leur chute, se soient relevés par une véritable pénitence : cette parole est terrible. Mais je veux que ce soit là une de ces expressions qu’il ne faut pas trop presser, quoique les paroles des Saints soient toujours respectables. Ne portons pas les choses si loin ; la vérité est assez terrible, sans y ajouter de nouvelles terreurs par de vaines déclamations. Examinons seulement si du côté de la pénitence nous sommes en droit, la plupart, de prétendre au salut. Qu’est-ce qu’un pénitent ? Un pénitent, disait autrefois Tertullien, est un fidèle qui sent, tous les moments de la vie, le malheur qu’il a eu de perdre et d’oublier autrefois son Dieu ; qui a sans cesse son péché devant les yeux ; qui en retrouve partout le souvenir et les tristes images : un pénitent, c’est un homme chargé des intérêts de la justice de Dieu contre lui-même ; qui s’interdit les plaisirs les plus innocents, parce qu’il s’en est permis de criminels ; qui ne souffre les plus nécessaires qu’avec peine ; qui ne regarde plus son corps que comme un ennemi qu’il faut affaiblir, comme un rebelle qu’il faut châtier, comme un coupable à qui désormais il faut presque tout refuser, comme un vase souillé qu’il faut purifier, comme un débiteur infidèle, dont il faut exiger jusqu’au dernier denier ; un pénitent, c’est un criminel qui s’envisage comme un homme destiné à la mort, parce qu’il ne mérite plus de vivre ; ses mœurs par conséquent, sa parure, ses plaisirs mêmes, doivent avoir je ne suis quoi de triste et d’austère, et il ne doit plus vivre que pour souffrir ; un pénitent ne voit dans la perte de ses biens et de sa santé, que la privation des faveurs dont il a abusé ; dans les humiliations qui lui arrivent, que la peine de son péché ; dans les douleurs qui le déchirent, que le commencement des supplices qu’il a mérités ; dans les calamités publiques qui affligent ses frères, que le châtiment peut-être de ses crimes particuliers : voilà ce que c’est qu’un pénitent. Mais je vous demande encore, où sont parmi nous les pénitents de ce caractère ? où sont-ils ?

Ah ! les siècles de nos pères en voyaient encore aux portes