Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/237

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même des plus sages et des plus approuvés dans le monde : les premières mœurs sont toujours licencieuses ; l’âge, les dégoûts, un établissement fixent le cœur, retirent du désordre, réconcilient même avec les saints mystères : mais où sont ceux qui se convertissent ? où sont ceux qui expient leurs crimes par des larmes et des macérations ? où sont ceux, qui, après avoir commencé comme des pécheurs, finissent comme des pénitents ? où sont-ils ? je vous le demande.

Montrez-moi seulement dans vos mœurs des traces légères de pénitence. Quoi ? les lois de l’Église ? mais elles ne regardent plus les personnes d’un certain rang, et l’usage en a presque fait des devoirs obscurs et populaires. Quoi ? les soins de la fortune, les inquiétudes de la faveur et de la prospérité, les fatigues du service, les dégoûts et les gênes de la cour, les assujettissements des emplois et des bienséances ? mais voudriez-vous mettre vos crimes au nombre de vos vertus ; que Dieu vous tint compte des travaux que vous n’endurez pas pour lui ; que votre ambition, votre orgueil, votre cupidité vous déchargeassent d’une obligation qu’elles-mêmes vous imposent ? vous êtes pénitent du monde ; mais vous ne l’êtes pas de Jésus-Christ. Quoi enfin ? les infirmités dont Dieu vous afflige ? les ennemis qu’il vous suscite ? les disgrâces et les pertes qu’il vous ménage ? mais recevez vous ces coups avec soumission seulement ? et loin d’y trouver des occasions de pénitence, n’en faites-vous pas la matière de nouveaux crimes ? Mais quand vous seriez fidèle sur tous ces points, seriez-vous pénitent ? Ce sont les obligations d’une âme innocente, de recevoir avec soumission les coups dont Dieu la frappe ; de remplir avec courage les devoirs pénibles de son état ; d’être fidèle aux lois de l’Église : mais vous, qui êtes pécheur, ne devez-vous rien au-delà ? Et cependant vous prétendez au salut ; mais sur quel titre ? Dire que vous êtes innocent devant Dieu, votre conscience rendrait témoignage contre vous-même : vouloir nous persuader que vous êtes pénitent, vous n’oseriez, et vous vous condamneriez par votre propre