Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/248

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monde que vous devez éviter, haïr, combattre par vos exemples ; être ravi qu’il vous haïsse à son tour, qu’il contredise vos mœurs par les siennes ; c’est ce monde qui doit être pour vous un crucifié, c’est -à - dire un anathème et un objet d’horreur, et à qui vous devez vous-même paraître tel.

Or, est-ce là votre situation par rapport au monde ? ses plaisirs vous sont-ils à charge ? ses scandales affligent-ils votre foi ? y gémissez-vous sur la durée de votre pèlerinage ? n’avez- vous plus rien de commun avec le monde ? n’en êtes-vous pas vous-même un des principaux acteurs ? ses lois ne sont-elles pas les vôtres ? ses maximes vos maximes ? ce qu’il condamne, ne le condamnez-vous pas ? n’approuvez-vous pas ce qu’il approuve ? et quand vous resteriez seul sur la terre, ne peut-on pas dire que ce monde corrompu revivrait en vous, et que vous en laisseriez un modèle à vos descendants ? Et quand je dis vous, je m’adresse presque à tous les hommes. Où sont ceux qui renoncent de bonne foi aux plaisirs, aux usages, aux maximes, aux espérances du monde ? tous l’ont promis ; qui le tient ? On voit bien des gens qui se plaignent du monde ; qui l’accusent d’injustice, d’ingratitude, de caprice ; qui se déchaînent contre lui ; qui parlent vivement de ses abus et de ses erreurs ; mais en le décriant ils l’aiment, ils le suivent, ils ne peuvent se passer de lui : en se plaignant de ses injustices, ils sont piqués, ils ne sont pas désabusés ; ils sentent ses mauvais traitements, ils ne connaissent pas ses dangers ; ils le censurent ; mais où sont ceux qui le haïssent ? et de là jugez si bien des gens peuvent prétendre au salut.

En second lieu, vous avez renoncé à la chair dans votre baptême ; c’est-à-dire vous vous êtes engagé à ne pas vivre selon les sens, à regarder l’indolence même et la mollesse comme un crime, à ne pas flatter les désirs corrompus de votre chair, à la châtier, à la dompter, à la crucifier ; ce n’est pas ici une perfection, c’est un vœu ; c’est le premier de tous vos devoirs ; c’est le caractère le plus inséparable de la foi : or, où sont les chrétiens qui là-dessus soient plus fidèles que vous ? Enfin, vous avez dit anathème à Satan et à ses œuvres ; et