Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/251

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que, devant aimer Dieu de tout votre cœur et de toutes vos forces, un seul désir qui ne peut se rapporter à lui vous souille ; si vous le compreniez, vous vous trouveriez un monstre devant ses yeux. Quoi ! diriez-vous, des obligations si saintes, et des mœurs si profanes ? une vigilance si continuelle, et une vie si peu attentive et si dissipée ? un amour de Dieu si pur, si plein, si universel, et un cœur toujours en proie à mille affections ou étrangères ou criminelles ? Si cela est ainsi, ô mon Dieu, qui pourra donc se sauver ? Quis poterit salvus esse (MATTH. c. 19, v. 23) ? Peu de gens, mon cher auditeur : ce ne sera pas vous, du moins si vous ne changez ; ce ne seront pas ceux qui vous ressemblent : ce ne sera pas la multitude.

Qui pourra se sauver ? Voulez-vous le savoir ? ce seront ceux qui opèrent leur salut avec tremblement ; qui vivent au milieu du monde, mais qui ne vivent pas comme le monde. Qui pourra se sauver ? cette femme chrétienne qui, renfermée dans l’enceinte de ses devoirs domestiques, élève ses enfants dans la foi et dans la piété ; laisse au Seigneur la décision de leur destinée ; ne partage son cœur qu’entre Jésus-Christ et son époux ; est ornée de pudeur et de modestie ; ne s’assied pas dans les assemblées de vanité ; ne se fait point une loi des usages insensés du monde, mais corrige les usages par la loi de Dieu, et donne du crédit à la vertu par son rang et par ses exemples. Qui pourra se sauver ? ce fidèle qui, dans le relâchement de ces derniers temps, imite les premières mœurs des chrétiens ; qui a les mains innocentes et le cœur pur : vigilant, qui n’a pas reçu son âme en vain (Ps. 23,v.4.) mais qui, au milieu même des périls du grand monde, s’applique sans cesse à la purifier ; juste, qui ne jure pas frauduleusement à son prochain (Ibid.), et ne doit pas à des voies douteuses l’innocent accroissement de sa fortune ; généreux, qui comble de bienfaits l’ennemi qui a voulu le perdre, et ne nuit à ses concurrents que par son mérite ; sincère, qui ne sacrifie pas la vérité à un vil intérêt, et ne sait point plaire en trahissant