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Page:Masson - La Religion de J. J. Rousseau, t2, 1916.djvu/206

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196 LA " PROFESSION DE FOI » DE JEAN-JACQUES. Contrat social a cité avec des éloges très vifs, je veux dire Machiavel. Notre religion, lisait-on dans ses Discours sur Tite-Live-, nous ayant montré la vérité et l’unique chemin du salut, a diminué à nos yeux le prix des honneurs de ce monde. Les païens, au contraire, qui estimaient beaucoup la gloire et y avaient placé le souverain bien, embrassaient avec transport tout ce qui pouvait le leur mériter.... Les religions antiques, d’un autre côte, n’accordaient les honneurs divins qu’aux mortels illustrés par une gloire mondaine, tels que les fameux capitaines ou les chefs de républiques. Notre religion, au contraire, ne sanctifie que les humbles et les hommes livrés à la contemplation; elle a, de plus, placé le souverain bien dans l’humilité, dans le mépris des choses de ce monde, dans l’abjection même; tandis que les païens le faisaient consister dans la grandeur d’àme, dans la force du corps, et dans tout ce qui pouvait rendre les hommes courageux et robustes. Et, si notre religion exige que nous ayons de la force, c’est plutôt celle qui fait supporter les maux que celle qui porte aux grandes actions. Il semble que cette morale nouvelle a rendu les hommes plus faibles et a livré le monde en proie aux scélérats audacieux. Ces considérations de Machiavel sur la faiblesse congé- nitale que le christianisme introduirait dans tout État qui se piquerait d’être chrétien, étaient devenues, à l’époque de Rousseau, un lieu commun de la (c philosophie ». Bayle avait « osé avancer, comme dit Montesquieu, que de véri- tables chrétiens ne formeraient pas un État qui pût sub- sister^ ». A plusieurs reprises, il avait montré dans son œuvre « l’incompatibilité du christianisme avec le gouver- nement des États », qui « peuvent difficilement être humbles », et à qui « il n’est pas plus facile d’être sincères ». « 11 faudrait avoir perdu le sens pour dire que les conseils et les préceptes de Jésus-Christ nous inspirent l’esprit de . Cf. 111, 321, 329, 355, et surtout 347, notes. . Il, 2 [110], 11, 2i-25. Le texte essentiel de Machiavel était nuss cité par Hume, Histoire naturelle de la religion [307]. 77. . Esprit des lois, XXIV, G [268], V, 125. ’