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Page:Matter - Saint-Martin, le Philosophe inconnu, 1862.djvu/446

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En effet, cela équivaut à la démonstration de l’impossibilité pour notre moralité de jamais atteindre la morale dans sa course, ou de marcher de concert avec elle. Or, une morale qui n’est pas faite pour être atteinte et qui a néanmoins la prétention d’être obligatoire, n’est-elle pas essentiellement une conception fausse ?

Voici maintenant le principe : L’imputation est en raison, non pas de la seule volonté, mais aussi des moyens.

Or, à ce point de vue encore, notre morale, telle qu’elle est conçue généralement, paraît être une grande erreur, une erreur admirable sans doute en apparence, mais au fond aussi inadmissible pour notre espèce qu’elle est ambitieuse de sa part.

En effet, l’espèce humaine se croit obligée d’une manière absolue à une loi absolue, qui est celle de l’univers, par la raison qu’il ne peut y en avoir qu’une, mais qui, applicable en sa teneur complète aux êtres les plus privilégiés, ne l’est à tous les autres qu’en proportion de leurs moyens. Or, l’insuffisance de nos moyens est démontrée par l’impossibilité d’observer la loi entière, et la disproportion de nos facultés de réalisation avec nos facultés de conception est certaine. Il serait donc à la fois de notre devoir de concevoir l’idéalité, et de notre raison de nous résigner à rester en deçà ? S’il est glorieux d’aspirer plus haut, il est insensé de prétendre y aboutir : nul être ne doit vouloir sortir de sa classe et prétendre à l’observation complète d’une norme qui n’est faite pour lui qu’en un sens restreint. Or, il est de saine raison d’admettre que nous ne sommes pas les êtres moraux les plus parfaits, et qu’il en est de supérieurs à l’homme dans l’immensité de l’univers. Eh bien, ces